
Quai Branly:





Nouvelle vague
HISTORIQUE DE LA NOUVELLE VAGUE
1. Les précurseurs
Alors que François Truffaut publiait Une certaine tendance du cinéma français, quelques cinéastes déjà réalisaient leur premières œuvres devenant ainsi les précurseurs d’un mouvement dont ils resteront finalement en marge.
C’est par exemple, le cas du Silence de la mer, de Jean-Pierre Melville (1947), d’Ascenseur pour l’échafaud (1957) et des Amants (1959), deux films de Louis Malle, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim (1956) ou encore La Pointe courte, d’Agnès Varda (1954). Cependant, ces films restent des exceptions par rapport aux œuvres de la Nouvelle Vague.
Les deux films de Louis Malle et celui de Roger Vadim ont été produit à l’intérieur du système de production traditionnel. Ils constituent des approches nouvelles du cinéma par leurs thèmes, leurs moyens techniques, leur portée et leur impact auprès du public, mais ne remettent pas en cause la production normale.
Quant aux films de Jean-Pierre Melville et d’Agnès Varda, ils ont été réalisés en marge des règles financières, administratives et syndicales. L’aventure de La Pointe courte fut lancée sans producteur et avec un budget dérisoire qui a contraint les comédiens et les techniciens à travailler en coopérative ; personne n’a été payé pendant le tournage et le film s’est fait grâce à la générosité de l’équipe. Réalisé totalement en dehors du circuit industriel et sans autorisation de tournage puisqu’il n’était pas réalisé selon les règles fixées par le Centre National de la Cinématographie, le film n’a pu être exploité dans circuit commercial. Ce n’est qu’au bout de deux ans qu’une salle de l’Association Française des Cinémas d’Art, de Répertoire et d’Essai conçoit à l’accueillir pour une exploitation de deux semaines. Au cours des années 50, une dizaine de films connurent cette situation et restèrent inédits sur les écrans.
2. 1959 : l’arrivée sur les écrans
C’est au Festival de Cannes de 1959 que la « bombe » a éclatée. Le premier long métrage d’un débutant encore inconnu du grand public, Les Quatre cents coups, de François Truffaut, y reçu le Prix de la Mise en scène, tandis que le Prix de la Critique Internationale était attribué à Hiroshima mon amour, premier long métrage d’Alain Resnais, déjà célèbre pour ses courts-métrages. Quant à la Palme d’Or, elle couronna le second film de Marcel Camus qui n’était plus un « jeune », mais qui apporta avec Orfeu negro quelque chose d’assez nouveau et d’assez original dans la production française de l’époque.
Quelques semaines plus tôt, on vit sur les écrans, les deux premiers films de Claude Chabrol : Le Beau Serge, qui obtient le Prix Jean Vigo, créer pour distinguer un film manifestant des qualités d’authenticité et de lucidités, et Les Cousins, qui recevra l’Ours d’Or du Festival de Berlin. Simultanément, on annonça le tournage du premier film de Jean-Luc Godard (A bout de souffle), d’Eric Rohmer (Le Signe du lion), de Jacques Doniol-Valcroze (L’Eau à la bouche) et l’achèvement de celui de Jacques Rivette (Paris nous appartient).
Cette année-là, quatre-vingt nouveaux réalisateurs feront leur premier film et quarante-trois l’année suivante.
Les Quatre cents coups furent distribués dès juin 1959, immédiatement à la suite du Festival de Cannes afin de bénéficier les retombées journalistiques et promotionnelles de celui-ci. Une semaine plus tard, c’était au tour d’Hiroshima mon amour de sortir sur les écrans. Leur succès commercial dépassa tous les pronostics. Et l’année suivante, ce fut la sortie triomphale d’A bout de souffle qui avait été précédée par le troisième long-métrage de Claude Chabrol, A double tour et Le Bel âge, de Pierre Kast.
Mais très vite, le phénomène fut amené à disparaître…
3. La fin et le mythe de la Nouvelle Vague
La fin des années 60 marqua déjà le reflux commercial et médiatique du phénomène. Le quatrième film de Claude Chabrol, Les Bonnes femmes (1960) fut un échec critique et public. Avec ses films suivants, qui furent aussi des insuccès, il amorça une longue traversée du désert. Les premiers long-métrages de Jacques Rivette (Paris nous appartient, 1958) et d’Eric Rohmer (Le Signe du lion, 1962) devront attendre trois années avant d’être présentés au public et ne connaître qu’un succès très mitigé. Les déboires touchèrent aussi Pierre Kast avec La Mort saison des amours (1960) puis Vacances portugaises (1963) ou Alexandre Astruc avec La Proie pour l’ombre (1961) et L’Education sentimentale. Plus gravement, les deux chefs de file de la Nouvelle Vague, François Truffaut avec Tirez sur le pianiste (1961) et Jean-Luc Godard avec Une femme est une femme (1961) subirent des échecs auprès du public ; quant au deuxième long-métrage de ce dernier, Le Petit soldat (1960), il fut interdit par la censure pour ne sortir que trois ans plus tard.
Ces films servirent de boucs émissaires dans la presse et alimentèrent la légende d’un cinéma tombé aux mains de producteurs et réalisateurs incompétents, précipitants acteurs et techniciens vers le chômage. On fit aussi de la Nouvelle Vague la responsable de la désaffection du public des salles de cinéma (alors que cette tendance débuta dès les années 50). Encore soutenue quelques mois auparavant, la Nouvelle Vague fut sévèrement attaquée par l’ensemble de la profession. De plus, cette période senti la revanche de la « Vieille Vague » ; alors que les films « jeunes » subissaient des échecs, les succès publics viennaient des réalisateurs de l’ancienne génération ; c’est le cas du Baron de l’écluse, de Jean Delannoy (1960), ou La Vérité, d’Henri-Georges Clouzot (1960).
Une série d’articles publiés dans la presse témoignaient du déclin et du règlement de comptes face à ce jeune cinéma français ; les scénaristes mis sur la touche par la Nouvelle Vague attaquèrent ces « jeunes tricheurs-en-scène » (dixit Henri Jeanson) et dénoncèrent ces « pseudo-talents à la mode » (dixit Jean Aurenche), tandis que Jacques Lanzmann s’interrogeait dans Arts : « Le jeune cinéma français a-t-il un avenir derrière lui ? »
La Nouvelle Vague ne disparaît cependant pas si vite. Le renouvellement des cinéastes se prolongea jusqu’à la fin 1962, et quelques succès furent au rendez-vous comme Jules et Jim, de François Truffaut (1962) ou Vivre sa vie, de Jean-Luc Godard (1962). Mais l’année suivante, ce dernier connaîtra son plus grave échec avec Les Carabiniers qui est aussi le plus gros bide de la Nouvelle Vague. Dans le même temps et afin de redresser sa carrière, Chabrol acceptait Landru, un film commercial avec Michèle Morgan ; quant à Truffaut, il peinait à monter Fahrenheit 451. Toutes ces circonstances sonnèrent comme la fin d’une époque.
Finalement des cinéastes comme Truffaut ou Chabrol adopteront au fil de leurs films un style qui s’apparente à celui qu’ils critiquaient quand ils étaient jeunes. Quant à la carrière des scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, mis à l’écart du cinéma par Truffaut, elle retrouvera un second souffle lors que Bertrand Tavernier, cinéphile confirmé, leur proposera de collaborer au scénario de son premier film L’Horloger de Saint-Paul en 1973. Si Bost meurt peu de temps après l’écriture de ce film, Aurenche continua sa collaboration avec Tavernier (Que la fête commence, 1945 - Le Juge et l’assassin, 1976 - Coup de torchon, 1981) mais aussi avec Pierre Granier-Deferre (L’Etoile du Nord, 1982) ou Robert Enrico (De guerre lasse,1987).
Reste aujourd’hui un mythe. La force de la Nouvelle Vague est en effet d’avoir imposé un imaginaire, une mythologie, un univers de gestes, d’apparences, de corps, d’objets, un univers. Elle aura bouleversé le paysage cinématographique français.
Mais s’il est une vraie réussite des jeunes cinéastes français, elle est sans conteste internationale. Au cours des années 60, le mouvement esthétique et économique du mouvement s’impose en effet, à travers l’Europe, parfois même au-delà de l’Atlantique. Pour beaucoup de jeunes cinéastes à travers le monde, la Nouvelle Vague signifie une liberté nouvelle de tourner des sujets absolument personnels grâce à des films aux coûts dérisoires. Elle exerce encore une influence sur le cinéma italien, polonais, hongrois, anglais, mais aussi japonais ou le cinéma indépendant américain. Des réalisateurs comme Bernardo Bertolucci, Alain Tanner ou Martin Scorsese, sont les fils légitimes ou proche de la Nouvelle Vague.
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